Carnet de voyage
LES ORIGINES DE MAHÉ (DE MALABAR)
CHAPITRE IV - LA PRISE DE MAHÉ - 2/3 DÉCEMBRE 1725
(…)
La Compagnie, en France, avait toujours été tenue au courant de nos difficultés tant par les rapports du Conseil supérieur que par la correspondance directe de M.Mollandin, et la Compagnie était très optimiste au sujet de Mahé. S’appuyant sur le traité du 2 avril 1721, elle croyait déjà pouvoir exporter de la côte Malabar des quantités infinies de poivre et ruiner ainsi en ces contrées le commerce de la Hollande et de l’Angleterre; dans cette pensée, aucun sacrifice ne lui paraissait trop grand pour faire de Mahé un établissement de premier ordre.Nous n’avions pas fini nos magasins au bord de la rivière qu’elle parlait de ne laisser à Calicut qu’un commis et un agent subalterne; c’est elle qui, par lettre du 10 février 1722, prescrivit d’envoyer 80 soldats à Mahé sous les ordres de Sainfond de Varennes, sans se préoccuper des difficultés locales d’exécution. Toutes les lettres ultérieurs furent conçues dans le même esprit : « Son A.R. » (le Régent), ecrivait-elle le 16 janvier 1723, « vous ordonne très expressément de « ne rien négliger pour assurer cet établissement qui est des plus importants pour l’Etat et pour la Compagnie et nous vous exhortons d’y contribuer de toutes vos forces". A la même date, elle enjoignait d’envoyer à Mahé jusqu’à 100 000 troupes et plus, s’il était possible.
Lorsqu’il s’agit d’expédier les bateaux, à la fin de 1724, la Compagnie ne connaissait encore que les nouvelles de 1723, et ces nouvelles étaient déjà peu rassurantes. M.Adam arrêtait partout nos embarcations, la Compagnie ne vit dans cette obstruction qu’un témoignage indirect rendu à la valeur de notre établissement et n’en fut que plus résolue à ne rien céder. Elle prit en conséquence la résolution de faire passer par la Badine, un des bateaux qui allaient partir, 50 soldats pour renforcer la garnison de Mahé, en arrêtant que la compagnie d’occupation serait composée d’un capitaine, un lieutenant, un enseigne, quatre sergents, quatre caporaux, quatre anspessades, quatre tambours ou fifres, 74 fusiliers, deux caporaux topas et huit soldats topas, au total 100 hommes. Elle engagea également pour la construction du fort un ingénieur très expérimenté, M.Deidier, qu’elle destinait auparavant à commander à l’île de Poulo-Condor.