Carnet de voyage
Feuilleton : de la Martinique en France par les bâtiments à vapeur de la Compagnie des Indes-occidentales, par A. de Maynard (Globe)
Nous arrivâmes aux Bermudes dans les premiers jours de février. Le Trident devait rester là trois jours pour prendre une cargaison complète de charbon. A peine avions-nous jeté l’ancre, que nous vîmes arriver à notre bord le canot du gouverneur des Bermudes, et dans ce canot un commodore anglais et un aide-de-camp du gouverneur. Son excellence le colonel Reid, gouverneur des Bermudes pour S.M la reine Victoria, ayant appris que le Trident avait à son bord, comme passager un officier supérieur de la marine française, s’empressait de lui envoyer son aide-de-camp pour le prier de lui faire l’honneur de descendre à son hôtel. L’aide-de-camp avait ordre d’étendre cette invitation à tous les Français qui pouvaient se trouver à bord. (…) Je dois avouer que nous fûmes renversés, le commandant Des-Hauteurs et moi, de cette délicate attention dans un tel moment, avec tout ce qui se débitait en France de honteusement insultant contre l’Angleterre et les Anglais.
L’hôtel du gouvernement est placé sur un petit morne entre le rivage et la ville d’Hamilton, de façon que le gouverneur peut, de son salon, surveiller à la fois la mer et les bâtiments qui la traversent, la ville et les habitants qui y séjournent. Au pied de ce more il y a une belle maison entourée de cèdres, les seuls arbres que produise la terre des Bermudes, et destinée à servir de demeure à l’amiral commandant les forces navales dans les Indes occidentales, quand son devoir conduit cet officier général dans ce coin de sa station. La maison était occupée à notre passage par la femme de l’Amiral Adam, chef de la station actuelle. (…) Le colonel Reid vint lui-même nous recevoir sur le rivage, et une fois qu’il nous eut présentés à sa famille nous fûmes de la maison. Le lendemain les officiers du 20ème, en garnison à Hamilton, donnèrent un bal aux belles de cette ville.
Hamilton est une double rangée de maisons en bois peint, aux toits plats et admirablement bien blanchis pour recevoir et conserver l’eau de la pluie, maisons alignées comme des soldats à la parade, le long d’une délicieuse rade, et qui, avec si peu, à la prétention de se donner pour une ville. Rien de plus pittoresque que ces maisons coloriées, ombragées de cèdres, assises avec un faux air de chalets suisses le long de cette mer si transparent que l’oeil en sonde la profondeur.
C’est de cet endroit que Moore a dit :
The morn was lovely, every man was still,
When the first perfume of a cedar hill,
Sweetly awaked us, and with smiling charms
The fairy harbour woo’d us to its arms.