Carnet de voyage
La tourmente s’était déchainée avec violence. Les ténèbres devenaient envahissantes. Les jours très courts et les nuits très longues accroissaient la terreur, et il vint à tomber une pluie si froide que les hommes perdirent l’usage de leurs membres. Tous en appelaient à la miséricorde de Dieu sur leurs âmes, car pour ce qui était de la vie des corps, ils n’y comptaient plus…
Les navires faisaient eau de partout, et les hommes étaient forcés de pomper nuit et jour. Il n’y avait plus de repos ni pour les âmes ni pour les corps, et l’équipage ne tarda pas à être décimé par la maladie et par la mort.
Les pilotes, les manoeuvriers et tous les hommes poussaient des lamentations, lançaient des accusations aux capitaines et les suppliaient d’atterrir pour chercher remède contre la mort qu’ils voyaient certaine, et qu’ils leur imputeraient s’ils s’entêtaient à ne pas vouloir relâcher.
Les capitaines, pour s’excuser, se retranchaient sur l’exemple du Capital Mor. Vasco da Gama, entendant ces pleurs et ces vociférations, leur répétait que, vit-il cent morts sous les yeux, et ses navires fussent-ils déjà chargé d’or, il ne reculerait pas d’un palme avant d’avoir pris connaissance de la terre de l’Inde, qu’il l’avait ainsi promis à Dieu et qu’il entendant garder fidélité à son serment.