Carnet de voyage
L’EXPORTATION BRETONNE EN ANGLETERRE
Messieurs,
Il résulte de l’étude des marchés de consommation de l’Angleterre que le chiffre des produits alimentaires importés suit une marche rapidement ascendante. (…) Dans ces conditions, on devrait croire que ces grands centres de consommation et ceux de production qui s’en trouvent les plus rapprochés sont depuis longtemps reliés par des lignes de bateaux à vapeur comportant plusieurs départs par semaine. Comme vous le savez, messieurs, il n’en est rien. (…)
En présence de cette situation, nous avons convoqués, messieurs, pour étudier ensemble la possibilité d’organiser à bref délai un service de transports directs et rapides à destination de l’Angleterre ayant pour but de faciliter l’exploitation de nos produits.
Il convient de faire tout d’abord choix d’un port d’embarquement. Aucun de ceux situés au nord ou au sud de la Manche de Bristol, Cardiff ou Swansea tant au point de vue du fret d’entrée qu’à celui du fret de sortie et de l’approvisionnement en charbon. Entre ces trois ports nous croyons qu’il faut préférer celui de Swansea, qui est le plus rapproché de nous et le moins exposé aux brouillards de fumé de charbon, souvent très gênants pour la navigation.
La compagnie du London et North-Mestern, qui est la plus puissante de l’Angleterre, fait de sérieux efforts pour aider à la réussite des lignes de steamers aboutissant à Swansea, qui se trouve à l’extrême sud de son réseau. Nous avons de sa part la promesse d’une bienveillance toute spéciale pour la ligne dont nous avons l’honneur de vous soumettre le projet. Le réseau du Great Mestern aboutit également à Swansea. Ces deux grandes compagnies de chemins de fer ont pris l’engagement d’établir, d’accord avec la Compagnie des steamers bretons, des prix fermes et des connaissements directs à destination de toutes les grandes villes d’Angleterre. Le montant du transport du port breton d’embarquement au lieu de destination serait partagé à raison de 400 kilomètres pour le steamer et le nombre de kilomètres parcourus sur rails de Swansea à destination pour le chemin de fer.
Les compagnies transatlantiques anglaises à destination des Etats-Unis, du Canada, de l’Amérique du Sud et des Antilles autoriseront également la compagnie du steamer à signer des connaissements directs sur le montant desquels elles lui abandonnent une part rémunératrice. Ces dispositions faciliteraient considérablement les expéditions à nos compatriotes qui auraient l’avantage de traiter directement avec une compagnie française domiciliée dans ce département, quelle que soit la destination de la marchandise en Angleterre ou en Amérique. (...)
Une vitesse de 12 à 13 noeuds est nécessaire pour arriver toujours à Swansea avant 10 heures le lundi matin en partant de Brest le dimanche avant midi. Les compagnies de chemins de fer anglaises garantissent l’arrivée le mardi matin à six heures sur tous les marchés anglais des marchandises qui ont été chargées sur wagons à Swansea le lundi avant deux heures; mais les marchandises arrivant trop tard pour ce train manquent le marché et se trouvent de ce fait sensiblement dépréciées.
Un steamer à petite vitesse coûterait beaucoup moins cher de location qu’un steamer de 12 à 13 noeuds, mais n’offrait aucune sécurité au point de vue du transport des denrées des halles. Le moyen de ne pas payer trop cher de location et de réduire les frais de port est de faire choix d’un navire dont la jauge ne soit pas trop grande. On en trouve des 120 tonnes environ qui remplissent les conditions nécessaires.
Après avoir déchargé à Swansea le lundi et au besoin chargé le mardi matin, le steamer repartirait le mardi dans l’après-midi pour arriver à Lorient le jeudi matin de bonne heure; il en repartirait le vendredi après-midi pour charger à Loctudy le samedi et partir pour Brest dans la soirée. Il complèterait son chargement dans ce dernier port le dimanche matin et repartirait pour Swansea le dimanche avant midi. Cette organisation permet de compter sur une régularité aussi parfaite que possible et laisse un temps largement suffisant pour les opérations de déchargement et de chargement. (...)