SITUATION POLITIQUE ET COMMERCIALE DES RÉGIONS DE BORNÉO VISITÉES PAR LE CHASSEUR DU 10 JANVIER AU 8 FÉVRIER 1890

APERÇU GÉNÉRAL SUR LES RÉGIONS DE BORNÉO PLACÉES SOUS LE PROTECTORAT DE L'ANGLETERRE

Nous avons vu dans le courant de ce rapport que les États de Nord-Bornéo, de Sarawak et de Bruni se sont placés sous le protectorat anglais : le premier le 12 mai, le second le 5 septembre et le troisième le 17 septembre 1888. D'après les conventions arrêtées aux dates ci-dessus, le protectorat ne confère au Gouvernement britannique aucun droit d'immixtion dans l'administration intérieure des trois États, mais aucune cession ou aliénation de territoire ne peut avoir lieu sans son consentement; les relations de ces Etats entre eux sont dirigées par ses soins, il peut établir auprès d'eus des autorités consulaires et il se réserve enfin le droit d'intervenir dans les questions de succession pour le Rajanah de Sarawal et la Sultanie de Bruni. Il est spécifié en outre, en ce qui concerne ce dernier État, que les sujets britanniques ou protégés y seront exclusivement soumis à la juridiction civile et criminelle du consul d'Angleterre. C'est à la suite de ces conventions que le gouverneur de Singapour a été investi des fonctions de consul général à Bruni et de haut commissaire à Bornéo. Il ressort de cet ensemble de mesures que toute la partie de Bornéo comprise entre le cap Datou et la rivière de Sibuko, qui représente à peu près l'ancien royaume de Bornéo, est désormais placée sous la direction exclusive du Gouvernement anglais mais sans que cette situation lui impose aucune des charges de la souveraineté. Si l'on examine dans son ensemble l'espèce de confédération nouvelle formée par les trois États protégés, on constate qu'avec les 300,000 habitants de Sarawak, les 50,000 de Bruni et les 150,000 de Nord-Bornéo, on obtient un total assez important de 500,000 âmes répartis, il est vrai, sur une grande superficie de territoire. L'intérêt supérieur de la confédération est de favoriser l'accroissement de la population et surtout d'attirer l'immigration chinoise, car c'est la main-d'œuvre qui fait principalement défaut dans la grande ile malaise et les Chinois sont les seuls travailleurs que l'on puisse employer avec avantage dans ces contrées. L'étude de la situation économique des États de Sarawak et de Bornéo nous a montré que les finances du premier sont prospères et que celles du second sont en voie de le devenir. Dès que ce but sera atteint, il est facile de prévoir que le gouvernement anglais songera à réunir sous son autorité directe les trois États confédérés et le Royaume-Uni ne tardera pas à ajouter à son empire une nouvelle et vaste colonie fondée par l'initiative de ses nationaux.

Bugard, Capitaine de Frégate