Carnet de voyage
Un bateau pilote de 19 hommes d’équipage, n’ayant que deux petits canons, a pris à l’abordage un navire anglais à trois mâts, de mille tonneaux, composé de 150 Européens, armé de 26 canons de douze, et rempli de fusils, de haches et de pistolets. (...)
Il faut donner quelques détails sur cette mémorable affaire.
"Le capitaine Surcouf, commandant le navire L’Emilie, monté de 30 hommes, mit la voile au mois de fructidor, au 4, au port nord-ouest de l’Isle de France (aujourd’hui l’ile Maurice) pour aller prendre aux iles Seychelles un chargement de bois de construction dont la colonie avait grand besoin. (…) Le hasard des rencontres offrit trois bâtiments anglais qui étaient chargés en riz. Tous furent pris. Les navires étaient accompagnés d’un schooner (bateau-pilote); il fut pris également. (…)
On s’empressa de revenir à l’Isle de France avec la joie, d’y apporter l’abondance, lorsque, dans la nuit, on découvrit un nouveau vaisseau Anglais, La Diana, venant du Bengale, et allant à Madras, chargé de six mille sacs de riz. Le navire anglais fut attaqué; et après un combat opiniâtre, il tomba au pouvoir du capitaine Surcouf, qui pourtant n’avait que deux petites pièces de canon.
A peine le jour commençait à paraître, que l’on aperçut de loin un gros vaisseau à trois mâts. Bientôt il hissa pavillon anglais. La fuite (...) était impossible, il fallait vaincre ou périr : le capitaine Surcouf résolut de vaincre.
Il fit mettre en travers La Diana pour attendre, et envoya chercher quelques renforts. L’équipage de son petit schooner fut porté à 19 hommes. On ne tarda pas à découvrir que le navire était un des gros vaisseaux de la Compagnie des Indes; qu’il était fortement armé, et que son équipage paraissait nombreux.
Le shooner, que montait le capitaine Surcouf, avait pavillon anglais. La ruse serait jointe à la valeur. Le capitaine Surcouf avait fait cacher son monde dans l’entre-pont, restant seul en évidence avec deux officiers, afin d’inspirer plus de sécurité à l’équipage ennemi.
Déjà on est à la portée du pistolet. Les esprits s’échauffent, le pavillon aux trois couleurs est arboré, et dans le même moment, les deux pièces de canon, les seules qu’avait le schooner, sont tirées. Une hostilité rapidement annoncée surprit les Anglais, qui, dans le premier moment se précipitèrent sur leurs batteries pour écraser le misérable, l’audacieux schooner. Mais le signal de l’abordage était donné, et quoiqu’il n’y eût pas de grapin dans le schooner, il s’exécuta aussi vite que la pensée."